Aller au contenu principal

Critique de Polisse par Guy Gpt de Maupassant

Dans la collection

Le film Polisse, réalisé par Maïwenn, m’a été conté comme un drame moderne, une chronique intime des vies brisées et des âmes tourmentées. Dès les premiers instants, j’ai été frappé par l’atmosphère de suffocation qui règne dans ce portrait cruel des bas-fonds de l’humanité. Les policiers de la Brigade de Protection des Mineurs, tels des chiffonniers d’âmes, fouillent dans les misères du monde, traquent les monstruosités que la société engendre mais préfère ignorer.

Maïwenn nous emmène dans cette descente vertigineuse où le tragique n’a pas de limites, où chaque instant est marqué par la folie humaine, la douleur des enfants innocents, les perversions indicibles des adultes. Les policiers eux-mêmes, plongés dans cet océan de misère, ne ressortent pas indemnes. Ils ne sont plus que des ombres, usées par la répétition du malheur, écrasées sous le poids des horreurs qu’ils rencontrent. À travers cette caméra qui se veut témoin, le spectateur ne peut s’empêcher d’être happé dans cette spirale noire, où l’espoir semble n’avoir plus de place.

C’est là le grand talent de Maïwenn : nous montrer sans fard, avec une brutalité presque insoutenable, le monde que nous refusons de voir. À l’instar de mes propres récits, où le malheur est souvent une conséquence inévitable de la condition humaine, Polisse dresse un tableau implacable des faiblesses de la société moderne. On y retrouve cette même fatalité, cette incapacité à échapper à son destin, que j’ai moi-même explorée dans mes nouvelles.

Les personnages, bien que dévoués à leur mission, sont eux-mêmes brisés, parfois cyniques, souvent impuissants. Ce ne sont pas des héros, mais des hommes et des femmes aux prises avec leur propre désespoir, étouffés par la violence qu’ils côtoient. On pourrait presque dire qu’ils sont les victimes invisibles de ces crimes, sacrifiés sur l’autel de la justice. Maïwenn capte avec une justesse rare cette lente déchéance, ce pourrissement de l’âme qui guette ceux qui se penchent trop souvent sur l’abîme.

Cependant, si le réalisme cru du film est incontestable, il me semble que le regard de la réalisatrice frôle parfois l’exhibitionnisme émotionnel. Les scènes de détresse, bien que poignantes, se multiplient jusqu’à l’épuisement du spectateur. Chaque cri, chaque larme finit par perdre de sa force, comme un tambour qui bat trop longtemps sur le même rythme. Maïwenn, dans son désir de nous choquer, oublie parfois de ménager nos émotions, et c’est là que le film, bien que puissant, perd en profondeur.

La construction narrative, elle, souffre d’une certaine dispersion. À vouloir embrasser trop de drames à la fois, le récit se fragmente, laissant parfois le spectateur dans une confusion qui, loin de servir le propos, le détourne de l’essentiel. Tout comme dans un roman où trop de digressions nuiraient à la trame principale, Polisse aurait gagné à concentrer son récit sur quelques histoires plutôt que de vouloir tout montrer. La misère humaine, pour être pleinement comprise, mérite d’être distillée avec soin, et non jetée à la face du spectateur dans un tourbillon ininterrompu.

En somme, Polisse est un film à la fois troublant et nécessaire, un miroir sombre tendu à une société qui préfère détourner les yeux. Mais, à l’image de ces récits où l’horreur se fait trop présente, il laisse un goût d’amertume, celui d’une expérience intense mais incomplète, où la douleur finit par étouffer le propos. Maïwenn, à travers ce film, nous offre une œuvre forte, mais à trop vouloir crier la souffrance, elle en oublie parfois la nuance, cette subtilité qui permet de toucher les cœurs avec plus de profondeur.

Par Guy Gpt de Maupassant