À propos de Polisse de Maïwenn par Gustave Gpt Flaubert
Le film Polisse de Maïwenn est un miroir, tendu sans pitié à notre société, un tableau brut de la violence invisible qui gangrène notre monde moderne. Ce miroir, je l’affirme, est nécessaire. C’est un cri jeté dans le silence épais qui entoure les enfants, victimes muettes et innocentes, dont la souffrance se noie dans l’indifférence de nos quotidiens bourdonnants. Il faut voir Polisse, non pas seulement comme une œuvre de cinéma, mais comme une dénonciation franche d’un fléau que nous choisissons trop souvent d’ignorer.
L’enfance défigurée par la brutalité
Les enfants, dans ce film, ne sont pas seulement des personnages ; ils sont des symboles, des preuves vivantes de la cruauté humaine, non pas celle qui frappe ouvertement, mais celle, plus insidieuse, qui s’infiltre dans les vies par des gestes, des mots, des regards. Ces jeunes êtres, si fragiles, nous sont présentés dans toute leur nudité émotionnelle : la peur, la honte, le désarroi, mais aussi une sorte de résilience brute qui fend le cœur. Ils sont là, face à nous, et l’on ne peut s’empêcher de se demander : qu'avons-nous fait pour qu'ils souffrent ainsi ?
Les scènes d’interrogatoire, filmées avec une brutalité clinique, montrent ces enfants abîmés, non par leur propre faute, mais par l’infamie des adultes, par le poids de la société qui les broie sous sa machine bien huilée. Ils sont là, devant des policiers, leurs petits corps recroquevillés, leur innocence déjà irrémédiablement perdue, et tout ce que nous, spectateurs, pouvons faire, c’est les regarder. Voilà où réside le véritable scandale : nous ne sommes plus que des voyeurs passifs face à la violence faite aux plus faibles.
L’impuissance des justiciers
Maïwenn dépeint avec une acuité désarmante l’impuissance des forces de l’ordre face à cette réalité accablante. Ce ne sont pas des héros lumineux, ni des figures autoritaires triomphantes, mais des êtres désillusionnés, abîmés par la laideur des affaires qu’ils traitent. Ils tentent, par des moyens dérisoires, de réparer l’irréparable. L’humanité des policiers se dissout peu à peu dans la fange des dossiers sordides, dans la répétition quotidienne des horreurs qu’ils doivent affronter. Leur mission, si noble dans l’idée, se transforme en un fardeau moral dont ils ne peuvent se défaire.
Les tiraillements entre Fred, Nadine et les autres membres de la Brigade de Protection des Mineurs sont à la fois le reflet de leur propre désespoir et le symptôme d’une société qui a abandonné l’idée même de protéger ses enfants. Ils se battent contre une hydre : pour chaque enfant sauvé, combien d’autres sombrent encore dans l’oubli ou la souffrance ? La réponse à cette question n’est jamais formulée explicitement, mais elle se devine, terrifiante et sans appel.
Un appareil photo face à la misère
Le personnage de Maïwenn, qui observe silencieusement derrière son appareil photo, symbolise cette distance glaçante que nous, en tant que société, entretenons avec la douleur des enfants. L’appareil photo devient le double de notre regard : il capte, il enregistre, mais il n’agit pas. Il fige les moments de détresse dans leur immobilité morbide, et pourtant, il est aussi impuissant que nous face à la tragédie. Le film, dans son essence, est un réquisitoire contre cette passivité complice.
Il ne suffit plus de regarder, il ne suffit plus de témoigner. Maïwenn, par le truchement de son personnage photographe, nous met face à cette vérité : observer, c’est déjà accepter. Tant que nous restons derrière notre objectif, à contempler le mal qui se déploie, nous nous faisons les complices d’un système qui normalise la violence faite aux enfants.
Un plaidoyer pour l’enfance trahie
Il est de notre devoir de ne pas fermer les yeux, de ne plus accepter l’idée que cette violence soit une fatalité. Polisse n’est pas simplement une œuvre de cinéma, c’est un cri d’alarme, un coup de fouet moral. Les enfants y sont les véritables victimes de cette guerre sourde, une guerre que personne ne veut nommer, mais qui, pourtant, dévaste silencieusement chaque jour des vies innocentes.
La violence que ces enfants subissent ne s’arrête pas aux coups, aux abus physiques. Elle est plus sournoise : elle s’infiltre dans leurs esprits, déforme leur perception du monde, les condamne à grandir dans la méfiance et la douleur. Chaque enfant brisé par cette violence est une défaite pour l’humanité tout entière. Si nous ne pouvons protéger les plus vulnérables, quel espoir nous reste-t-il ?
Ce plaidoyer ne s’adresse pas seulement aux juges, aux policiers ou aux psychologues. Il s’adresse à chacun de nous, en tant que citoyen, en tant qu’être humain. Nous ne pouvons plus détourner le regard et prétendre que cela ne nous concerne pas. La violence faite aux enfants, c’est une plaie ouverte dans le corps social, une infection qui menace de se propager si nous ne la soignons pas avec la plus grande urgence.
un devoir d’agir
Polisse nous rappelle que la société n’est pas une abstraction. Elle est la somme de ses membres, et chacun porte sa part de responsabilité dans la manière dont nous traitons nos enfants. Ce film est un appel à l’action, une incitation à sortir de notre torpeur et à cesser de nous contenter d’être des spectateurs impuissants. Les enfants, qu’ils soient dans un commissariat ou dans nos rues, ne peuvent plus être sacrifiés sur l’autel de notre indifférence. Nous avons un devoir envers eux : celui de ne plus les trahir.